La cheikha qui bâtit le nouveau Qatar‎

A la tête d’une banque d’investissement, Hanadi Al-Thani veut stimuler l’esprit d’entreprise dans son pays.
Tailleur strict, foulard en mousseline et escarpins à semelles rouges Christian Louboutin. La cheikha Hanadi Al-Thani incarne une ambition brune. Un spécimen encore rare dans le golfe Persique. Sauf lorsqu’on partage le nom de l’émir du Qatar, le cheikh Hamad Al-Thani. Un membre de sa famille, reconnaît l’intéressée. De passage à Paris à l’occasion du 5e Forum finances et investissements au Qatar, la cheikha Hanadi est venue parler infrastructures et immobilier. Deux secteurs dont elle a fait sa spécialité depuis cinq ans en décidant de bâtir un quartier de 12.000 habitants en plein cœur de Doha. La capitale de cet émirat lesté de gaz naturel est le siège du groupe audiovisuel Al-Jazeera.

« Notre famille possédait une grande friche au milieu de Doha, nous avons décidé d’y construire une ville conforme aux standards internationaux, avec une immense place, des trottoirs, des bureaux, des commerces et des logements pour offrir aux gens un style de vie auquel nous aspirons tous », dit-elle. Al-Waab City – un projet de plus de 1,2 milliard d’euros – devrait être terminé vers 2015.

Mariée et mère de trois enfants, cheikha Hanadi aurait pu opter pour une tout autre vie. « Je suis une entrepreneuse. Je déteste les gens qui disent : on ne peut pas, on ne doit pas », tranche-t-elle. Elle raconte sa vie sans détour. D’abord l’enseignement à la faculté d’économie de l’université du Qatar. Elle publie une étude sur les femmes et l’épargne remarquée par l’épouse de l’émir, la cheikha Moza. Malgré le machisme ambiant, elle lance avec la première dame du pays la Qatar Ladies Investment Company, rebaptisée depuis Amwal (« argent » en arabe).

« Devenir un modèle pour la région »
Fondée il y a seize ans, cette banque pour les femmes compte aujourd’hui 50 % d’hommes parmi ses clients. Cette première aventure l’encourage à mener d’autres projets. Elle s’investit aux côtés de son frère dans le conglomérat familial. Un pêle-mêle d’activités qui vont de la distribution de véhicules au BTP. Jusqu’au projet Al-Waab City. « Cela fait partie d’une vision partagée pour notre futur. Nous voulons devenir un modèle pour la région, offrir à nos concitoyens une belle vie et Al-Waab y contribuera », estime la jeune femme.

Depuis le boom pétrolier, l’Etat du Qatar n’a pas connu la crise. Le pays jongle aujourd’hui avec une croissance à deux chiffres et un sérieux handicap. Une population jeune mais rare de 1,6 million d’habitants. « Nous devons optimiser l’emploi des Qataris et cela passe nécessairement par les femmes. Pour elles, le marché s’est ouvert il y a quinze ans. C’est alors qu’une lumière s’est allumée sur le Qatar », s’émeut la cheikha. Même si les mentalités n’ont pas encore fait leur révolution culturelle. Est-elle un modèle pour ses concitoyennes ? « On m’a donné une chance. Je me suis impliquée, j’ai beaucoup travaillé, assure-t-elle. Je suis convaincue que l’on peut créer sa propre chance. »

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