Le tourisme, l’avenir d’Oman

Perle méconnue du sultanat d’Oman, loin de Mascate mais proche de Dubaï, la péninsule du Musandam reste un sanctuaire de paix aux portes du bouillonnant détroit d’Ormuz.

Les criques étincelantes défilent, dans le ronron du moteur. Allongés sur des matelas qui font le tour de ce bateau de bois traditionnel, nous n’avons d’autre agenda que l’admiration du paysage, univers de minéralité pure et d’ambiances marines d’une grande poésie. Nous avons quitté le port pour quatre jours et trois nuits de croisière dans les fjords.

À l’extrémité de la Péninsule Arabique, le Musandam forme un petit monde perdu. Un isolat resté à l’écart du monde jusqu’à il y a quelques décennies seulement, alors qu’il est en vigie sur l’une des zones les plus stratégiques de la planète ! Le détroit d’Ormuz constitue en effet un corridor hautement stratégique, puisqu’y transite une bonne partie du pétrole mondial.

Séparée d’Oman et des Émirats Arabes Unis par de hautes montagnes (Djebel Harim, 2 087 m) tombant directement dans la mer, la petite péninsule est paradoxalement plus proche de l’Iran, dont elle n’est séparée que par un bras de mer d’une cinquantaine de kilomètres seulement ! Faiblement peuplée par trois tribus semi-nomades, la question de son appartenance géopolitique était subalterne, jusqu’au début des années soixante-dix, lorsque l’attribution de concessions pétrolières à des compagnies étrangères impliqua qu’il faille tracer des frontières. La majorité des Shihuh, tribu principale du Musandam, prêta alors allégeance au Sultanat d’Oman, et c’est ainsi que la région se retrouva séparée du reste du pays.

Le tourisme, l’avenir d’Oman

Aujourd’hui, Khasab, la capitale vit du commerce avec les autres pays du Golfe, de la contrebande nocturne avec l’Iran, et désormais, de l’essor du tourisme maritime. La ville étant l’exutoire côtier d’un large wadi, les palmeraies du front de mer rendues prospères par l’accumulation de sédiments déposés par les crues, s’ornaient, il y a peu, des grappes de maisons estivales des tribus montagnardes, édifiées en barasti (branches de palmiers) sur six pilotis. De même, de nombreuses maisons anciennes arboraient des cheminées de ventilation de facture perse. Tout cela appartient hélas au passé, mais le fort portugais du XVIIe siècle tient encore debout, transformé en un charmant musée, avec reconstitutions d’époque.

Arrêt sur Telegraph Island. Les ruines d’un édifice de pierre “racontent” l’histoire saugrenue de la Compagnie de navigation à vapeur des Indes Britannique qui, en 1854, fit construire sur cet îlot un relais pour sa ligne de télégraphe entre Londres et Karachi, via Bassorah (Iraq), alors possession turque. La station ne fonctionna que cinq ans, personne ne voulant vivre sur ce confetti désolé, puis en 1869, le percement du Canal de Suez rendit la ligne obsolète…

Nous avons jeté l’ancre en baie de Sibi, loin dans une crique sauvage. Au programme : baignade, escalade sur les rochers dominant l’eau et snorkeling. Nous y passerons des heures magnifiques, remplies de rien, pleines de tout. Dans le seul souci du beau plongeon depuis la poupe du dhow, du poisson le plus insolite aperçu dans le masque, de l’exploration des criques voisines avec le kayak embarqué. Le monde est mis en parenthèses, le temps de quelques coups de pagaie plongés dans l’eau aussi verte que transparente.

Mirage solaire dans un silence de cathédrale, à peine rompu, parfois, par les gémissements aigrelets de quelques biquettes errant sur les croupes pelées de ce décor lunaire. Les nuits sur le pont y sont merveilleuses, sous un ciel limpide et une mer étale.

Source: bienpublic.com