Le Qatar mise sur l’éducation pour exister sur la scène mondiale

Du gaz, du pétrole et de la matière grise. Si les deux premières ressources ont procuré au Qatar un développement économique sans précédent depuis dix ans, ce petit pays du golfe persique fait aujourd’hui de l’éducation un nouveau secteur de prospection. Un millier d’experts et dirigeants internationaux, ainsi que cent vingt journalistes, sont réunis à Doha, du 16 au 18 novembre 2009, pour participer au WISE (World innovation summit for education).

Le WISE réunit des participants des quatre coins du monde et non des moindres : Irina Bokova, la nouvelle secrétaire générale de l’Unesco, qui s’exprimait à ce titre pour la première fois, Gérard Schröder, ancien chancelier allemand, le vice-président de Microsoft Anthony Salcito ou encore le co-fondateur de Twitter, Biz Stone. Les Français sont proportionnellement bien représentés.
D’Edith Cresson à Carla Bruni-Sarkozy

Lundi 16 novembre 2009, pour le premier jour de la conférence, on croisait dans les couloirs du Ritz, l’ancien Premier ministre Edith Cresson, Claudie Haigneré, ancien ministre de la Recherche, aujourd’hui présidente de la Cité des Sciences et de l’Industrie, ou encore Georges Haddad, responsable de l’enseignement supérieur à l’Unesco.

Après les politiques, les célébrités. Le lendemain, Yann Arthus-Bertrand, poursuivait à WISE sa tournée de promotion pour son film « Home » et Carla Bruni-Sarkozy a participé dans la soirée au gala de remise des prix à six projets éducatifs de qualité. Autre profil, plus académique, Daniel Andler, professeur à l’université Paris-Sorbonne (Paris 4) et membre de l’Institut universitaire de France doit s’exprimer mercredi 18 devant l’assemblée de WISE.
La Qatar Foundation, une femme emblématique et des milliards de dollars

Cette ouverture à la francophonie de la part d’un pays où l’anglais est la langue des affaires tient probablement à la présence de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) parmi les partenaires de la Qatar Foundation pour l’organisation de la conférence. Cette première édition de WISE est entièrement financée par la Qatar Foundation, présidée par l’une des épouses de l’Emir, Sheikha Mozah, une personnalité charismatique, ouverte sur l’étranger et très active en matière d’éducation, notamment pour l’accès des filles à l’enseignement.

Si les organisateurs n’avancent aucun chiffre, un des participants disait avoir évalué à une dizaine de millions de dollars le coût d’un tel événement. Une goutte d’eau dans le budget global de la Qatar Foundation qui serait aux alentours de 15 milliards de dollars.
Le temps de l’éducation et la diplomatie

Parmi les thématiques débattues à WISE, il est beaucoup question de « pluralisme », « d’innovation » mais aussi du « temps de l’éducation ». La secrétaire générale de l’Unesco, Irina Bokova, a insisté sur l’importance d’un financement prévisible et durable en matière d’éducation afin que ce secteur soit à l’abri des crises financières. Car si l’éducation a un coût, l’ignorance en a un, bien supérieur. Bonaventure Mvé-Ondo, vice-recteur en charge des partenariats à l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), a rappelé que « les universités ont besoin de temps pour construire de nouveaux savoirs, un temps différent de celui des entreprises qui n’investissent bien que pour bénéfices immédiats sans chercher à améliorer la société dans son ensemble ».

Plus qu’ailleurs, la notion de « village global » et de responsabilité vis-à-vis des générations futures, au cœur des débats de WISE, prend tout son sens à Doha, une ville où réside une centaine de nationalités (les Qataris sont minoritaires dans leur propre pays -quelque 250 000, soit 20 % de la population-). Un « village global », entre traditions et modernité, où la femme favorite de l’Emir, présidente de la Qatar Foundation, Sheikha Mozah, n’hésite pas à citer Nietzche en introduction à son colloque WISE : « L’innovation est salvatrice pour autant qu’elle s’inscrive dans le prolongement de la continuité du passé ».

A Doha, Maëlle Flot
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