Dubai, un modèle pour l'Europe ?

Si Dubaï attire régulièrement l’attention, c’est le plus souvent pour ses projets immobiliers pharaoniques comme le Burj Khalifa, plus haute tour au monde (828 mètres), la Palm Jumeirah, archipel artificiel ; ou encore ses excentricités comme Ski Dubaï, sa marina et ses nouveaux quartiers sortis de terre à vitesse grand V.Pourtant lors de l’édition 2016 du Gulf Information Technology Exhibition (Gitex) – l’un des principaux salons sur les nouvelles technologies – le gouvernement de Dubaï (Emirats arabes unis) promouvait une toute autre facette de l’Émirat : Smart Dubaï ou la version «intelligente et numérique» de la ville.

Dès 2003, sous l’impulsion du sheikh Mohammed bin Rashid Al Maktoum, Dubaï s’est lancée dans la construction d’une ville intelligente, ultra-connectée où les nouvelles technologies permettent d’améliorer l’efficacité des services publics. Dubaï fait donc partie des villes dotées de plans stratégiques pour devenir plus intelligentes et annonce haut et fort qu’elle deviendra la ville la plus intelligente et la plus heureuse au monde d’ici 2020.

Dubaï, ville la plus intelligente du Golfe

Dubaï a ainsi déjà lancé de nombreux projets villes intelligentes. Parmi eux, la mise en place d’un véritable «app store» gouvernemental qui rassemble l’ensemble des services publics en ligne, la création et l’alimentation de la plate-forme «open data» , la mise en place d’un centre de contrôle unifié pour le trafic routier connectés aux capteurs qui mesurent le trafic en direct afin d’optimiser le réseau de feux de circulation et informer en temps réel les conducteurs.
La santé n’est pas oubliée avec une application permettant de situer le médecin le plus proche en cas d’urgence ou encore l’achat de matelas intelligents dans les hôpitaux qui permettent de suivre les signes vitaux des patients.
Avec l’initiative Smart Dubaï, la ville se donne les moyens de son ambition et monte dans les classements : selon une étude de Navigant Research d’octobre 2016, commanditée par le géant chinois Huawei, Dubaï prend la première place du classement des villes intelligentes du Golfe, juste avant Abou Dabi, sa voisine et rivale.

Mieux vivre à Dubaï

En 12 ans, la stratégie de ville intelligente de Dubaï aurait déjà permis d’ économiser en moyenne 97,5 millions de dollars annuels grâce aux gains d’efficience des services publics et les actions mises en place par le Smart Dubaï Government , le bras armé technologique chargé de mettre en oeuvre la stratégie ville intelligente de l’Emirat. Mais  faire des économies est loin d’être le seul objectif poursuivi : avec Smart Dubaï, Dubaï veut devenir «la ville la plus heureuse au monde».
Le bien-être collectif et la satisfaction des habitants devient la mesure de la réussite du projet de «smart city» et l’objectif ultime. La stratégie Smart Dubaï, dont la brique transverse est le développement d’infrastructures informatiques au sein de toutes les administrations, se décline ainsi en six axes : économie, qualité de vie, mobilité, gouvernance, environnement et citoyens.

Diversification économique

Le projet de ville intelligente de Dubaï résulte avant tout d’une forte volonté politique. Comparées aux autres pays du Golfe, les réserves de pétrole de Dubaï sont relativement faibles. La ville a donc dû très tôt planifier la diversification de son économie à travers le tourisme, la finance, l’immobilier ou encore les divertissements. Bâtie au coeur d’un climat désertique (26,7°C en moyenne, et moins de 87 mm de pluie annuels) la ville a donc choisi de s’appuyer sur les nouvelles technologies pour assurer son développement et offrir un cadre de vie agréable voire parfois irréel à ses habitants.
Se positionner comme ville «la plus intelligente» est aussi un moyen de rester attractive dans un contexte de concurrence accrue avec les villes voisines tout en répondant à une forte pression démographique. En effet, la croissance de Dubaï est exponentielle : selon le centre de statistiques de Dubaï , elle passe de 854.675 habitants en 2000 à plus de 2,6 millions en 2016, soit une population multipliée par 3 en 16 ans.
Côté tourisme, la tendance est également à la hausse : en 2015, le nombre de visiteurs a augmenté de 1 million par rapport à l’année précédente pour s’établir à 14,2 millions de visiteurs. Certaines projections estiment que le nombre de visiteurs annuels sera de 30 millions d’ici l ’exposition universelle de 2020 .
Dubaï va même au-delà d’un projet de ville intelligente : elle veut nourrir la réflexion mondiale autour du futur et de l’innovation avec le Dubai future agenda et la création du musée du futur, dont l’ouverture est prévue en 2018.

Un modèle pour l’Europe ?

Faire de Dubaï une référence de ville intelligente serait faire preuve d’excès d’enthousiasme. Le plan de communication, bien rodé et certes très efficace, cache une réalité plus contrastée : la stratégie dubaïote laisse encore peu de place à la smart city «inclusive» dont l’un des objectifs serait l’insertion sociale ou encore la réduction des inégalités.
Par ailleurs, comment défendre un projet de développement durable quand on sait que Dubaï est une ville qui vit bien au-dessus de ses ressources naturelles notamment en eau, comme le souligne .
Malgré tout, certains projets méritent l’attention des villes européennes. Si les contraintes de mise en oeuvre ne sont pas les mêmes en Europe et dans l’Émirat (moyens alloués, vitesse de mise en oeuvre des choix politiques, modernisation des infrastructures déjà existantes, densité du tissu urbain existant, etc.), des réalisations peuvent inspirer nos élus, en particulier les services publics en ligne par parcours usagers et les initiatives d’e-gouvernement.
Améliorer l’efficience des services publics sera certes toujours plus aisé dans une ville nouvelle et «digital native» comme l’est Dubaï, mais cela doit rester un objectif majeur pour nos villes européennes. Les nouvelles technologies et le digital sont un levier puissant.
 
Fanny Brûlebois est associée-fondatrice d’OpenCitiz
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