Alpinisme dans la Cordillère des Andes

cordillere-des-andes-alpinismeDepuis 40 ans, une unité de l’armée française défriche des voies inexplorées de l’alpinisme mondial. Cet été, elle a ajouté deux barrettes sur son épaule, avec l’ouverture de deux voies vierges classées « extrêmement difficiles » dans la cordillère des Andes, au Pérou.

Les « as des cimes », surnom du Groupe Militaire de Haute Montagne (GMHM), ont ouvert fin août, en deux équipes distinctes, la face Est de la Siula Grande (6 344 m) dans la cordillère Huayhuash, au nord-est de Lima, ainsi que la face Nord du massif Puscanturpa (5 442 m), dans la même région, également inviolée. Deux succès qui s’inscrivent dans la lignée d’un palmarès exceptionnel.

Groupe Militaire de Haute Montagne (GMHM), ont ouvert fin août, en deux équipes distinctes, la face Est de la Siula Grande (6344 m).

Génération après génération, les hommes du GMHM – créé en 1976 à Grenoble, puis partie intégrante de l’École Militaire de Haute Montagne (EMHM) de Chamonix depuis 1981 – sont devenus des experts du toit du monde qu’ils ne parcourent qu’en « style alpin » : sans oxygène et avec tout le matériel embarqué pour l’ascension.

En 2011, ils avaient ainsi gravé leur nom dans l’histoire de l’alpinisme en étant les premiers, et les seuls à ce jour, à traverser dans sa totalité la cordillère Darwin en Patagonie chilienne (150 km en 28 jours), l’une des dernières terrae incognita du globe, queue australe de la cordillère des Andes au Nord du cap Horn.

La mort suspendue

« Nous affectionnons les terrains vierges, car c’est là où l’on s’exprime le mieux pour augmenter notre expertise et essayer de la dépasser », a déclaré à son retour en France le capitaine Didier Jourdain, 38 ans, qui a ouvert en cinq jours la nouvelle voie de la Siula Grande avec le caporal Max Bonniot, 28 ans. Jourdain était du nombre des six vainqueurs de Darwin il y a cinq ans.

La Siula Grande – monstre de calcaire, glace et neige – a été rendue célèbre par l’alpiniste britannique Joe Simpson, dans son livre ensuite adapté au cinéma, « La mort suspendue ». Simpson y raconte son ascension dramatique de la face Ouest en 1985 avec l’alpiniste Simon Yates, sa fracture du genou à la descente, son binôme qui ne parvient pas à l’arracher du vide où il est suspendu puis qui coupe enfin, pour ne pas mourir lui aussi, la corde les reliant.

Yates l’abandonna, le croyant mort au fond d’une crevasse. Mais Simpson parviendra à s’en sortir seul et réapparaîtra quelques jours plus tard comme un mort vivant au camp de base.

Le GMHM et ses soldats des cimes et parois effacent les grades lorsqu'ils sont en action.
Le GMHM et ses soldats des cimes et parois effacent les grades lorsqu’ils sont en action. | AFP

Grandes orgues basaltiques

La seconde ascension, celle du Puscanturpa, a été menée à bien en 8 jours par le sergent-chef Cyril Duchene, 30 ans, l’alpiniste Dimitry Munoz, 43 ans (un autre ancien de l’épopée de Darwin), le caporal Antoine Bletton, 31 ans et l’adjudant Arnaud Bayol, 37 ans.

« La singularité de cette face Nord, très technique avec de nombreux passages surplombants, réside en ses grandes orgues, de longues et étroites poutres de basalte verticales, parties intégrantes de la paroi qui résonnent avec force aux coups de marteaux sur les pitons, instaurant une ambiance peu rassurante », raconte Didier Jourdain.

Unité de l’armée de Terre à part entière, le GMHM et ses soldats des cimes et parois effacent les grades lorsqu’ils sont en action. « Toutes les décisions en cours d’ascension sont prises collectivement et en concertation », souligne le capitaine Jourdain.

« Seule intervient la conscience de soi-même et celle de l’autre. A aucun moment, on est sûr d’arriver en haut. Quand on est au sommet, on a fait la moitié du chemin. Après la montée dans l’inconnu, il y a la descente dans un autre inconnu »« Dans ce sens, conclut-il, la descente est une ascension ».

Source: ouest-france