Un alsacien au sommet de l’Everest

Miraculé de la montagne, après avoir été emporté en 1994 par une avalanche au Shisha Pangma (Tibet), le Saint-Amarinois François Matter, médecin au Centre sportif régional de Mulhouse, a conquis l’Everest en mai dernier.L’exploit aurait pu passer inaperçu si l’alpiniste alsacien n’avait été sollicité par le maire de Saint-Amarin (Haut-Rhin), pour donner une conférence (lire encadré ci-dessous) dans sa commune d’origine. « Je tenais à rester discret sur cette expédition, mais il y a eu des fuites… C’était une démarche personnelle. Seule ma compagne et mes deux enfants, ainsi qu’un cercle très restreint d’amis, étaient au courant. Je ne voulais pas inquiéter le reste de la famille, surtout après mon accident de 1994 », confie François Matter.

À l’époque, il avait passé 24 heures dans la neige, à 7 900 m d’altitude, avec un traumatisme crânien et une clavicule brisée, après une chute de 500 m, avant d’être secouru par le guide chamoniard Jean-Christophe Lafaille, disparu depuis, en 2006, dans l’ascension du Makalu (8 463 m).

« Je lui dois la vie », confie François Matter, qui s’en est sorti avec de graves gelures aux pieds et aux mains. Il a perdu tous ses orteils et tous les doigts d’une main, après quinze interventions chirurgicales d’amputation et de reconstruction. Autant de raisons qui ont poussé ce passionné et sportif confirmé à retourner dans l’Himalaya. « Comme je suis têtu, j’ai décidé de m’attaquer à l’Everest », s’amuse l’intéressé.

Pour relever son nouveau défi, rien de tel que le plus haut sommet du monde, l’Everest et ses 8 850 m d’altitude, le but ultime dans la carrière d’un alpiniste. D’autant plus qu’entre-temps, l’Alsacien s’était lancé dans le « défi des sept sommets », qui consiste à gravir le point culminant de chacun des sept continents (lire ci-dessous).

Pour son expédition à l’assaut de l’Everest, François Matter s’est attaché les services d’une agence népalaise. Il avait choisi d’entreprendre l’ascension par le versant tibétain, en compagnie d’autres alpinistes, français, espagnols et belges, mais surtout avec Pema, le Sherpa de 36 ans qui lui avait été attribué et qui avait, à ce moment-là, déjà gravi l’Everest à cinq reprises… « C’est devenu un ami pour la vie », reconnaît le médecin, resté en contact avec son compagnon népalais.

Après les inévitables et épuisants préliminaires qu’exige ce genre d’expédition, camp de base (5 150 m), acclimatation à l’altitude, camp de base avancé (6 400 m), puis camps successifs à 7700, 8 300 et 8 500 m, les navettes entre le camp de base et les camps d’altitude, en fonction de la météo, l’assaut final est donné de nuit. François Matter raconte : « Pour être sûr d’avoir le temps de descendre dans les temps, il faut monter de nuit. Il est impératif d’atteindre le sommet avant 14 h. Nous étions largement dans les temps… »

Après le premier ressaut, à 8 500 m, « nous franchissons des passages très aériens, poursuit-il. Dans la nuit, j’admire l’arête qui se détache du ciel, maintenant étoilé et limpide : les prévisions météorologiques étaient justes. Merci Yan et Bernard (*) !»

Le passage du deuxième ressaut, qui fait une bonne trentaine de mètres de hauteur, commence par de l’escalade rocheuse et se termine par l’ascension d’une échelle en aluminium.

« Nous laissons passer un groupe qui redescend, reprend François Matter. Il a atteint le sommet en pleine nuit. J’ai froid aux pieds et aux mains. Surtout à ma main droite mutilée, à laquelle est attaché un bâton de ski… »

Le groupe de l’Alsacien s’arrête à proximité du Mushroom Rock, pour changer les bouteilles d’oxygène et boire un gobelet de thé chaud.

« J’essaye de manger des barres chocolatées mais n’arrive pas à les saisir avec les moufles, poursuit François Matter. L’horizon rougeoie lorsque nous atteignons le bas de la pyramide sommitale. À partir de là, nous remontons une pente neigeuse assez raide. L’aube nous permet d’apercevoir toute la partie népalaise de l’Himalaya. Au loin, les éclairs d’un orage tropical zèbrent le ciel. »

 

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