Par La Rando

Guillaume, expatrié aux Emirats Arabes Unis

Nouvelle série sur Contrepoints, avec les différents visages de l’expatriation. Pour Guillaume, « l’expatriation doit correspondre à un sincère élan individuel ». Une petite présentation ? Mon nom est Guillaume, j’ai 48 ans, je suis marié et sans enfants ; j’ai grandi à Issy-Les-Moulineaux, qui était encore, dans mon enfance, une ville industrielle. Je vis actuellement aux Émirats Arabes Unis.

D’abord Londres

Après un VSNE1 (VIE) à Londres dans une SSII, j’ai travaillé 16 ans dans le secteur pétrolier, pour ce qui était la deuxième entreprise américaine du secteur à l’époque, et qui a fini par se faire absorber par la première. J’y ai été employé deux ans à Londres, puis huit ans à Paris, et sept ans à Bruxelles.

Pour eux, j’ai eu la chance d’avoir des missions diverses, que ce soit en vente, new business development, logistique, gestion de projets, analyse financière. Sur la base d’un profil école de commerce, j’ai acquis par l’expérience un bagage technique non négligeable. J’ai aussi dû m’adapter à un milieu presque exclusivement composé d’ingénieurs, presque tous des gens charmants, je tiens à le préciser. J’ai la grande chance d’y avoir eu des missions qui couvraient tout le sud de l’Europe, puis le Moyen-Orient et l’Afrique de l’Ouest. J’ai vraiment découvert le monde et appris des masses de choses, et connu de beaux succès.

J’y ai développé une admiration sans borne, je l’avoue sans honte, même si ça peut être mal vu, pour cette industrie dont tout le monde dépend, même ceux qui ne l’affectionnent guère. Comme l’a dit une fois un des dirigeants de cette entreprise : « Quand vous êtes très grand, américain, que vous êtes une multinationale présente dans le monde entier, que vous avez beaucoup de beaux succès et de gros profits, et que vous produisez des produits dangereux, voire explosifs et toxiques, il y a beaucoup de gens qui ne vous aiment pas. » C’est un fait, on n’y peut pas grand chose, c’est une toile de fond avec laquelle il faut bien vivre.

J’ajoute juste que ma conviction intime, en mon âme et conscience, est que le souci de cette industrie pour la sécurité des personnes et de l’environnement est à des années-lumière de l’image qu’on cherche parfois à lui donner. La question de ses relations avec les États qui accordent les concessions est par contre délicate.

Puis Bruxelles…

Cette entreprise m’a d’abord expatrié à Bruxelles et j’avoue sans détour avoir été choqué par la différence que ce « package » a fait pour mon revenu net, et ce, je pense, sans coûter beaucoup plus à mon employeur. J’ai pu constater de mes yeux les distorsions créées par la fiscalité, dont j’ai bénéficié. Le tout pour habiter à 1h25 de la gare du Nord en train. Les mystères de nos politiques sont insondables. J’ai résidé 12 ans à Bruxelles, ville extrêmement vivable malgré de petits problèmes de propreté, et où j’ai pris la peine d’apprendre le néerlandais.

Lors de ma première expatriation, vers Bruxelles, c’était donc, comme expliqué plus haut, une offre qui ne se refusait pas, ainsi qu’une mission intéressante, au cours de laquelle je suis vraiment un peu retourné à l’école pour apprendre de nouveaux savoir-faire. Entretemps, j’ai été employé deux années, toujours en Belgique, par un des géants français de l’eau ; j’ai eu la chance de m’occuper principalement de l’Allemagne (merci à mes professeurs d’allemand du collège et du lycée) ; puis j’ai rejoint mon entreprise actuelle, une PME d’origine belge, qui possède des technologies de pointe uniques au monde pour prolonger la durée de vie des huiles dans les machines les plus chères et les plus critiques du monde, telles les turbines des centrales électriques et les compresseurs géants de la chimie et des pétroles, entre autres.

Par le simple fait de pousser un cran plus loin le soin apporté aux huiles, on peut littéralement obtenir une réduction significative du temps que ces machines doivent passer à l’arrêt, ce qui représente un très gros gain. Comme c’est une très petite structure, j’y ai vu la passionnante difficulté de convaincre des entreprises, naturellement peu enclines à modifier leurs habitudes opérationnelles, d’adopter une nouvelle génération de meilleures pratiques.

C’est cette entreprise qui m’a à son tour expatrié aux Émirats Arabes Unis, pour développer notre marché au Moyen-Orient, en Afrique et en Inde.

Et les Émirats Arabes Unis… Pourquoi ce pays ?

Les EAU, comme Singapour pour la zone Asie, sont souvent considérés comme les plus accueillants pour avoir un siège régional pour cette partie du monde.

Au passage, le mot expatrié a une consonance flatteuse, mais ma situation actuelle n’en est pas moins celle d’un immigré, ni plus ni moins. Mon pays d’accueil compte d’ailleurs près de 90% d’immigrés, et une paix, un ordre, une propreté, une organisation et une infrastructure remarquables. Je sais très bien que cette remarque peut en fâcher certains, mais on ne peut travestir les faits.

Avez-vous eu des doutes, et comment les avez-vous gérés ?

Bien entendu, se lancer dans ce genre de projet et ne ressentir aucun doute serait plutôt un mauvais signe. Il existe beaucoup d’inconnues, et une bonne dose de circonspection s’impose.

Si je devais insister sur les précautions à prendre par rapport à ces doutes, la première serait de faire l’investissement modéré et nécessaire de consulter au minimum un avocat sur place pour appréhender le plus favorablement possible les structures à adopter dans un nouveau pays, ainsi que les relations éventuelles avec des partenaires locaux, et quels pièges cela peut comprendre.

Concernant les aspects privés, on ne peut négliger non plus l’énergie dépensée à repartir de zéro pour tous les aspects de la vie, des plus routiniers aux plus capitaux, comme par exemple la santé. Tout réclame alors planification et adaptation. On découvre que les choses peuvent se faire différemment de ce qu’on connait et néanmoins fonctionner ; mais prétendre traverser ceci sans de grosses frustrations est clairement illusoire.

Côté budget, il est important de bien comprendre tous les aspect du coût de la vie. Ici, par exemple, le logement est cher, et augmente assez vite. Pour qui a des enfants, il convient de bien se renseigner sur tous les coûts, non seulement la scolarité, mais aussi les activités extra-scolaires, les loisirs et les gardes. Bien se renseigner est essentiel sous peine d’aller au-devant de désillusions. Il faut bien s’assurer qu’on peut s’accommoder d’une culture nouvelle, c’est une question primordiale.

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