La randonnée à ski

Ultime chronique décalée et irrévérencieuse des sports d’hiver et de la vie en plein air, là-haut, dans nos montagnes…

De plus en plus de randonneurs à ski disent qu’ils font du ski-alpinisme parce que randonnée, ça sent le vieux, la moustache et la chemise à carreaux. Sauf qu’ils ont oublié qu’alpinisme est un mot qui veut dire quelque chose et pas du tout ce qu’ils font. Mais dans la mesure où les vrais alpinistes ne protestent pas de façon massive et durable car ils meurent régulièrement, la colonisation sémantique s’est doucement opérée…

Qu’on la dise alpinisme ou de randonnée, cette pratique jouit d’un succès grandissant. Nombreux sont les skieurs de piste qui, lassés des boulevards qui sentent le gasoil, souhaitent retrouver la montagne, la vraie, l’originelle, celle qui fait monter les jambes et le cœur.

Chacun trouve une bonne raison pour venir, un jour ou l’autre, au ski de rando. Toutes se valent. Trois émergent.

1/ Il y en a assez de payer des forfaits hors de prix!

C’est évident. Le ski en station est un privilège de bien nés, renouons avec la gratuité de l’effort.

Néanmoins, dans un souci de probité intellectuelle et d’équilibre comptable, il nous paraît convenable de préciser qu’avec la somme consacrée à l’achat des skis de randonnée + chaussures + fixations + peaux + bâtons exprès + DVA (détecteur de victimes d’avalanche) + pelle + sonde + vêtements exprès + sac à dos que pour ça + chaussettes spéciales + caleçon respirant + Compeed® pour les ampoules, l’aspirant monteur pourrait offrir un forfait saison Trois Vallées pendant dix ans, à lui et à toute sa famille. Paramètre à prendre en compte avant à sa conversion aux conversions. Une solution économique serait alors d’acheter un petit peu de matériel chaque année et de s’y mettre, une fois propriétaire du pack complet, choix rusé mais aventureux compte tenu de l’accélération du réchauffement climatique et de la durée de vie des activités sur neige.

Aux premiers virages, vos doutes ne seront pas forcément levés. Votre PEL torpillé, vous relevant d’une énième gamelle, vous vous demanderez, à regret, si vous ne tenez pas là l’étymologie «des espèces trébuchantes». Heureusement, un de vos nouveaux amis à peaux de phoque vous rassurera, «l’essentiel c’est de se dépenser un bon coup.» Certes.

2/ Quel plaisir de redécouvrir le ski dans une neige vierge!

C’est évident. Les pistes lissées, lustrées sont d’un ennui.

Une nuance toutefois. D’un naturel curieux et responsable, vous allez rapidement potasser votre nivologie afin de ne pas tomber dans les pièges avalancheux. Très vite, vous allez apprendre – sans nécessairement comprendre – qu’une des neiges les plus dangereuses à provoquer est cette poudreuse des magazines pour laquelle vous êtes venus à la rando. Pour faire simple, si vous souhaitez skier sur une neige qui ne vous tuera point, la plus sûre est une neige humide qui a regelé. On appelle cela une neige croûtée. C’est un régal, ça casse et ça ne passe pas, c’est inskiable. Vous vous y croûterez tous les deux virages d’où le nom (décidément l’étymologie vous passionne). Parfois la neige de cinéma accouche d’un bon vieux nanar.

Au moins, avec ces loopings à répétition, vous tordrez le cou à cette mauvaise réputation du ski de rando où l’on monte soi-disant des heures pour avaler la descente en quelques minutes. Grâce à cette neige qui ne coopère pas et poussant votre amour de la conversion jusqu’à en user pour descendre, vous rééquilibrerez joyeusement le ratio montée/descente du sablier.

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