Le business de l’art à Dubai

A Dubaï, Alserkal Avenue, ce nouveau quartier des galeries, prend de l’ampleur pour devenir la clef de voûte du marché de l’art au Moyen-Orient. Dans une région du monde secouée par de terribles conflits, une petite oasis parie de manière singulière sur le marché de l’art. A Dubaï, épicentre touristique et bancaire des Emirats arabes unis,

Alserkal Avenue est un périmètre de 46.500 m2 dans une ancienne fabrique de marbre située dans la zone industrielle de la ville. Il abrite 14 galeries, dont désormais les meilleures de la scène locale.

En matière d’art, Dubaï c’est d’abord une fois par an, en mars, Art Dubai, devenu la clef de voûte annuelle du négoce régional depuis l’Inde jusqu’au Qatar. Le projet, avec Alserkal Avenue, est de consolider une activité plus régulière alors que la cité touristique n’abrite aucun musée. « Nous voulons contribuer à l’émergence d’une scène locale », explique Abdelmonem Alserkal, qui ouvrira aussi l’an prochain des résidences d’artistes. En mars, le marchand français Stéphane Custot, déjà installé dans le chic quartier de Mayfair à Londres, s’installera ici dans un espace de 700 m2. Son offre comprend de grands classiques du XXe siècle, du leader français de l’art brut Dubuffet à l’artiste minimal américain Frank Stella. « Ici, les locaux sont dix fois moins chers qu’à Londres. On peut construire des espaces de rêve. Je pense que cette communauté artistique d’Alserkal va devenir une attraction régionale clef dès que le Louvre ouvrira à Abu Dhabi dans quelques mois (1) », explique le Français.

Crise de la demande

La New-Yorkaise d’origine iranienne Leila Heller a ouvert, elle, en novembre dernier un impressionnant espace de 1.400 m2 dans lequel elle vient d’inaugurer une exposition consacrée à la star de l’architecture d’origine irakienne, qui vit à Londres, Zaha Hadid. Elle expose ses prototypes ainsi que ses vases de marbre aux formes végétales (à vendre à partir de 7.000 livres) et ses tables futuristes (entre 7.200 et 30.000 livres). « Dubaï est un hub pour les Australiens de passage, les Japonais qui restent là quelques jours. Dans un contexte politique incertain au Moyen-Orient, désormais des gens affluent d’Egypte ou de Tunisie pour vivre à Dubaï. […] Mais il faut reconnaître que les clients américains ne se déplacent plus au Moyen-Orient. »

C’est aussi en mars qu’ouvrira une collection privée sur 400 m2 consacrée à l’abstraction des années 1970 et 1980, en France et aux Etats-Unis, qui appartenait à un amateur vivant à Paris, Jean-Paul Najar. Mais les piliers du lieu sont deux galeries leaders et pionnières à Dubaï, Third Line et Ivde. La première a ouvert en 2005. En ce moment elle présente le travail d’une Iranienne de quatre-vingt-douze ans, Monir Shahroudy Farmanfarmaian, une des stars du marché au Moyen-Orient. Son travail reprend le principe de l’art minimal américain, marié avec le répertoire décoratif géométrique des jardins et des mosquées perses. Elle l’applique principalement sur des miroirs découpés et colorés. Elle était l’objet d’une exposition au Guggenheim Museum au printemps 2015. Ses miroirs, uniques, sont à vendre pour 350.000 dollars, soit environ dix fois plus cher qu’il y a dix ans.

Pour autant, l’euphorie ne règne pas à Dubaï dans le marché de l’art. Manifestement, les amateurs actifs jusqu’en 2008 ont disparu. Isabelle van den Eynde, propriétaire de la galerie Ivde depuis onze ans, défend plusieurs stars locales comme l’artiste Hassan Sharif (né en 1951) connu pour ses assemblages composés à partir de matériaux pauvres. Elle explique : « Nous traversons une crise importante de la demande. Dubaï est une bulle de sécurité régionale. C’est aussi un très haut niveau de revenu par habitant, mais nous assistons à une crise du renouvellement de la clientèle. C’est pour cela qu’une communauté comme celle d’Alserkal est importante. »

Source: Judith Benhamou-Huet, Les Echos