Histoire des premières ascensions de l’Everest

Officiellement, le duo Tenzing-Hillary a vaincu le plus haut sommet du monde en 1953, par le versant népalais. Mais deux dandies britanniques les auraient devancés.  Le 8 juin 1924, Noel Odell, géologue, se met en route vers le camp VI (à 8 200 mètres d’altitude), en soutien de la cordée de pointe. En fin de matinée, il jubile, car il vient de trouver les premiers fossiles jamais découverts sur l’Everest. À 12 h 50, alors qu’il scrute la crête avec son objectif, il grimpe sur un escarpement. Les nuages se déchirent un court instant. Lui apparaît alors cette vision fugitive légendaire : une paire de silhouettes se découpe sur le ciel, sur un ressaut raide, à 300 mètres sous le sommet.

Puis, alors que les nuages se referment sur la scène, Georges Mallory et Andrew Irvine vont s’évanouir dans l’histoire. Les deux Britanniques sont-ils allés au sommet avant de mourir ? Si cette éventualité se confirmait, l’histoire de l’alpinisme s’en trouverait bouleversée. L’Annapurna, conquis par les Français en 1950, ne serait plus le premier 8 000 mètres. Mallory, 38 ans, était le meilleur alpiniste d’Angleterre, doué d’une agilité féline et paré d’un charme qui éblouissait autant les hommes que les femmes. Son compagnon, Andrew Sandy Irvine, 22 ans, encore étudiant à Oxford, novice en montagne, s’était montré assez téméraire pour relever ce défi inédit.

La peau décolorée d’une blancheur de marbre

De nouvelles découvertes aussi troublantes que ces deux ombres apparues dans le ciel vont relancer la polémique. La plus spectaculaire se produit le 1er mai 1999, au cours d’une expédition dirigée par le géologue allemand Jochen Hemmleb. Conrad Anker, alpiniste réputé, découvre à 8 229 mètres un corps momifié, face contre terre, pris dans la glace, la peau décolorée d’une blancheur de marbre, la fesse droite dévorée par les goraks, les corbeaux-vautours de l’Himalaya. Conrad pense avoir trouvé Irvine. Un membre de l’équipe commence à graver une pierre tombale. Mais des lettres, des notes ainsi que plusieurs étiquettes cousues à l’intérieur de ses vêtements indiquent que la « souche gelée » n’est de personne d’autre que George Leigh Mallory. La nouvelle éclate comme une bombe et éclaire d’un jour nouveau les circonstances de la mort des deux grimpeurs.

Absence de gelures sur les doigts

Où et comment sont-ils morts ? On pense que le drame s’est produit entre le premier (de 8 500 à 8 534 mètres d’altitude) et le deuxième ressaut (de 8 577 à 8 626 mètres d’altitude), deux verrous rocheux sur l’arête nord-est. C’est là que le piolet d’Irvine, reconnaissable à ses trois entailles, est découvert en 1933. En 2001, c’est un gant qui est mis au jour. En analysant l’intérieur, les scientifiques ont trouvé un profil ADN qui pourrait être celui d’Irvine. Conrad Anker pense que les deux hommes ont fait demi-tour. Après le premier ressaut, le secteur est plus délicat, avec de dangereuses poches de neige. Et sous la neige, la traversée est couverte de dalles de schiste inclinées et instables. C’est à ce moment-là que la tempête a dû s’abattre. Irvine et Mallory auraient plongé ensemble et la corde se serait cisaillée sur l’arête. Une chose est sûre : ils n’ont pas passé la nuit dans un bivouac forcé, les doigts de Mallory ne présentant aucune gelure. Des zones d’ombre planent.

Le mystère du « vieil Anglais »

Entre 1938 et 1960, le versant tibétain de l’Everest demeure vierge. Il faut attendre 1979 pour que la Chine délivre des autorisations aux étrangers. Cette année-là, un grimpeur japonais qui participait à une expédition chinoise reçoit une confidence d’un alpiniste chinois, Wang Hungbao, qui avait participé à l’ascension de 1975 : vers 8 100 mètres d’altitude, les Chinois ont trouvé le cadavre d’un alpiniste. « Un vieil Anglais mort », insiste-t-il. Le lendemain de cette discussion, Wang meurt dans une crevasse, emporté par une avalanche. Le corps qu’il a découvert ne peut être celui de Mallory. Sa description, un homme couché sur le côté, une joue dévorée par les goraks, ne correspond pas à la découverte de Conrad Anker. Mais si Wang avait trouvé Irvine ?

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