Culture: Dubaï vs Abu Dhabi

Quelque 140 kilomètres séparent les deux villes. Alors que la première tente de montrer une facette moins bling-bling, la seconde essaie de s’imposer sur la carte du tourisme mondial avec ses musées.

Dubaï à la recherche du temps perdu

La ville court après une histoire qu’elle a souvent oubliée. Evidemment il y a la plus haute tour du monde, la Burj E Khalifa, 828 mètres. A son pied, un lac artificiel, où une féerie aquatique impressionne les touristes. Et au bout de ce lac, depuis août 2016, un opéra. Dessiné par le cabinet Atkins, le bâtiment évoque une coque de bateau qui aurait été mise dans une cage de verre. Trois niveaux, 1901 sièges et une ambiance arabisante, bien loin des opéras classiques.
Ancien patron du Royal Albert Hall de Londres, Jasper Hope a pris les rênes de ce vaisseau amiral il y a moins d’un an. Pas question pour lui de construire une programmation pointue comme celle de l’Opéra de Paris ou du Metropolitan de New York. Ici on danse sur «Casse-Noisette», on peut voir «Les misérables», «Cats» ou y écouter Michel Legrand, à raison de quelques dates à chaque fois. L’Opéra de Dubaï entend néanmoins proposer près de 250 représentations par an. «Nous défrichons un terrain musical nouveau, reconnaît Jasper Hope. La population locale n’a pas la culture du concert. Nous espérons la lui donner.»
En réalité, les Emiratis représentent une part minime de la population de Dubaï: 15% à peine parmi ses 2,2 millions d’habitants. Les expatriés sont donc la principale clientèle visée. «La vie culturelle est à créer», reconnaît Jasper Hope. Même son de cloche du côté de l’avenue Alserkal. Ici, au milieu d’une zone industrielle, est apparu un nouveau quartier: galeries d’art contemporain, restaurants bio, boutiques éphémères branchées. On est loin du Dubaï bling-bling, de sa piste de ski en plein désert et des «shopping malls» délirants. Seul hic, les artistes émiratis sont pour l’instant peu nombreux – seul Hassan Sharif tire son épingle du jeu -, et les galeristes montrent pas mal d’étrangers, à commencer par Bernar Venet dont on découvre les immenses arcs d’acier chez Stéphane Custot. «Il n’y pas de goût ou d’éducation pour l’art contemporain chez les Emiratis, reconnaît Guillaume Cuiry, propriétaire de La Galerie nationale. Notre clientèle est principalement européenne, et encore. Comme les expatriés sont par nature de passage, ils sont méfiants avant d’acheter. Alors que l’Emirati qui a de l’argent peut suivre une mode, avoir un vrai coup de coeur! C’est un marché où il faut s’accrocher, parce qu’avec l’ouverture du Louvre, ça devrait bouger…»
Pour l’heure, la ville ne possède qu’un seul musée, historique, retraçant son évolution. Mais on est loin d’une muséographie moderne, et Dubaï ne cherche pas encore à raconter son lointain passé. «Il n’existe quasiment pas de fouilles archéologiques, reconnaît ce patron local. On préfère construire sur la mer, créer de la terre plutôt que de tenter de comprendre ce qui se trouve dans nos sols.» Alors que sa grande rivale Abu Dhabi voit enfin son île des musées émerger de l’eau, Dubaï semble avoir compris que, pour rester attractive, il fallait sortir de la consommation effrénée, du luxe, et s’intéresser un peu plus au vintage. «La culture plutôt que l’amusement, sourit Jasper Hope, même si les deux peuvent aller de pair…»

Abu Dhabi Le Louvre des sables vu de l’intérieur

Dans les pas de François Hollande, nous avons pu, pour la première fois, entrer dans le musée qui devrait ouvrir l’an prochain.
Pour l’occasion, ils ont fait sigler des casques blancs «Louvre Abu Dhabi», en français et en arabe, et des gilets de sécurité fluo. Que les visiteurs ne se méprennent pas: il s’agit d’une tournée de chantier et non d’une inauguration. La visite du président se fait au pas de course. Mais laisse le temps de découvrir de l’intérieur ce scarabée de 8600 mètres carrés, posé sur la plage de Saadiyat. Après avoir traversé une passerelle et plusieurs pièces, s’ouvre devant nous une vaste agora, dont les escaliers mènent à la mer. De tous côtés, l’eau pénètre à l’intérieur de la «ville musée». Le vaste dôme de 180 mètres de diamètre, moucharabieh d’acier et d’aluminium, est éblouissant. «Il laisse passer 2 à 3% de lumière», selon l’architecte français Jean Nouvel. Les 7850 étoiles de la coupole font danser, dans une «pluie de lumière», des taches dorées sur les murs de béton blanc, sur le sol en pierre de Luzerne grise, venue de Turin, à la surface de l’eau. Un bateau est amarré. Preuve que l’on pourra aussi accéder au lieu par la mer.
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