Ces Français qui s’expatrient au Qatar

« Ah, le Qatar… Quand nous avons annoncé à notre famille et à nos amis que nous partions nous installer dans ce pays, notre décision a suscité une certaine perplexité. » Amusée, Céline, qui a accompagné son mari il y a un peu plus d’un an à Doha, la capitale de l’émirat, se souvient très bien des réactions de ses proches. « Auparavant, nous vivions en Afrique centrale, une région qui suscitait davantage d’enthousiasme et de curiosité ».

En France, le Qatar, régulièrement pointé du doigt, n’a pas vraiment bonne presse. Son activisme diplomatique débordant, en soutien des Frères musulmans, et son développement tous azimuts s’accompagnent de fortes interrogations sur la manière dont il utilise ses immenses ressources financières à l’étranger et sur la condition ouvrière sur son sol.

Éric, 32 ans, qui travaille au sein de l’entreprise Alcatel-Lucent, se remémore son installation à Doha en 2010 après une première expérience à l’étranger en Angola.

« Au départ, quand mon employeur m’a proposé le Qatar, je n’étais pas très emballé, raconte-t-il. J’avais l’image d’un pays très strict comme l’Arabie Saoudite. Je suis arrivé le premier jour du Ramadan et j’ai découvert un pays fidèle à mes a priori car durant cette période, la vie est rythmée par le jeûne. Mais au fur à mesure, je me suis fait des amis et maintenant je me plais bien ici. »

Originaire de Lille, il vit avec sa femme Ludigena, une Angolaise, près du souk, à distance de West Bay, le « petit Manhattan » pour ses nombreux gratte-ciel.

Un intérêt financier évident

La plupart des Français du Qatar travaillent dans les secteurs du gaz – le Qatar dispose des troisièmes plus grandes réserves au monde, après la Russie et l’Iran -, du pétrole ou de la construction. Aucun ne cache l’intérêt financier de venir poursuivre sa carrière dans l’émirat. Une carrière qui peut s’accélérer grâce à une telle expérience.

« Je construis mon CV, indique Oriane, 26 ans, une Bordelaise qui travaille depuis trois ans dans une entreprise de conseil et d’ingénierie. Ici, je vais beaucoup plus vite dans la prise de responsabilité. »

Sa collègue, Madeleine, 36 ans, partage ce point de vue : « En travaillant sur le métro de Doha, je planche sur l’un des plus gros projets du monde. Une expérience qui ne peut qu’être profitable. »

un univers multiculturel

Les Français découvrent un pays où sur les 2,2 millions d’habitants, les Qatariens, selon des estimations, ne représentent que 20 % de la population. Les expatriés venus d’Asie (Inde, Pakistan, Bangladesh, Népal, Philippines, Sri Lanka,…) constituent le plus gros contingent.

À tel point que certains quartiers de Doha donnent parfois l’impression d’être à New Delhi ou Manille. Mais le pays compte aussi de nombreux Égyptiens, Maghrébins et Européens.

« Je travaille en anglais dans un univers multiculturel et mes amis viennent de partout dans le monde », s’enthousiasme Éric. De même, Madeleine et son mari Arnaud vivent avec leurs trois jeunes enfants au cœur d’un « compound », un quartier résidentiel sécurisé et cossu composé de nombreuses villas, qui répond au doux nom de Beverly Hills Garden et où se côtoient des dizaines de nationalités différentes.

Leurs bambins fréquentent le lycée franco-qatarien Voltaire. « L’école accueille 1 300 élèves de 28 nationalités avec plus de 400 Qatariens, dont les enfants de l’émir, et près de 250 Français, indique le proviseur Jean-Pierre Debaere. En plus du programme français, les enfants suivent un enseignement de langue arabe et apprennent l’histoire du Qatar. »

l’islam omniprésent

La communauté d’expatriés français se familiarise également avec la culture de l’émirat et apprend à vivre dans un pays où l’islam, religion d’État, est omniprésent. Dans les rues de Doha où résonnent les appels du muezzin, il est rare de ne pas apercevoir une mosquée et son minaret à l’horizon.

« Avant de venir, je me demandais à quel point, on ressentirait l’influence de la religion, confie Madeleine. Le Ramadan est la période où c’est le plus prégnant. Les restaurants sont fermés le midi. Il faut être discret. Mais, le plus impressionnant, ce sont les quelques femmes complètement voilées dont on n’aperçoit même pas les yeux. »

Toutefois au Qatar, les femmes peuvent travailler et conduire. De plus, les étrangères ne sont pas tenues de porter le voile. Les bars des grands hôtels internationaux vendent de l’alcool, de même qu’un magasin à Doha où les expatriés munis d’un permis peuvent s’en procurer et acheter du porc.

« Il faut s’habituer à l’appel à la prière les premières semaines mais on peut mener un style de vie assez proche de celui de la France tout en s’ouvrant à une autre culture, affirme Oriane. En tant que femme française et indépendante, je ne ressens pas de discrimination. »

Les Qatariens ne se mélangent pas 

En revanche, le contact avec les Qatariens n’est pas facile à nouer. Les locaux ne se mélangent pas ou très peu avec les étrangers. « Je ne connais pas beaucoup d’expatriés amis avec un Qatarien, confie Éric. C’est une particularité du pays mais, comme ils sont minoritaires, on ne se sent pas isolé si on n’a pas de relations avec eux. »

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