Par La Rando

Emission de Survie à la radio

Le premier salon français du survivalisme se tient jusqu’à dimanche à Paris. Depuis quelques années, ce mouvement se démocratise et tend à devenir protéiforme. De nouvelles formes voient le jour, regroupées sous l’appellation de néosurvivalisme. Témoignages.

 

Construire un abri en forêt, apprendre à chasser, à pêcher, à se passer d’électricité tout en développant sa capacité de survie. Pourquoi ? Parce que la catastrophe est imminente. Telle pourrait être la devise des survivalistes. Pour autant, le concept de catastrophe peut varier en fonction des individus, des peurs contemporaines ou des influences politiques. C’est pourquoi, depuis quelques années, le mouvement survivaliste s’est fractionné en plusieurs sous-catégories, la principale étant le néosurvivalisme. On peut compter une centaine de groupes survivalistes différents reliés à la page Facebook du Réseau Survivaliste Français. En somme, le survivalisme s’est démocratisé, comme le prouve la tenue du premier Salon du Survivalisme, jusqu’à dimanche, à Paris. La littérature survivaliste s’est également développée. Les survivalistes disposent désormais de leur propre magazine, Survival Mag. Mais si la pratique de la survie en milieu hostile est en vogue, cela n’a pas toujours été le cas. Témoignages recueillis par Boris Loumagne.

 

« Les survivalistes sont dans un désir de catastrophe », Bertrand Vidal, sociologue
Bertrand Vidal est sociologue à l’université Paul-Valéry-Montpellier 3. Il étudie la culture survivaliste depuis 2012, date à laquelle il a terminé une thèse sur l’imaginaire et la représentation des catastrophes dans les médias. Selon lui, un survivaliste est « un individu qui se prépare à une rupture de la normalité, un événement imprévu. Le survivaliste développe une culture de l’anticipation catastrophique ». Le terme est né dans les années 60, aux Etats-Unis. La peur du communisme et l’angoisse d’une attaque nucléaire favorisent le développement du mouvement. « Le néologisme est inventé par Kurt Saxon, qui distribue des manuels de survie, manuels imprimés notamment par le parti nazi américain. » A chaque grande crise, son survivalisme, analyse Bertrand Vidal : « Durant les années 70, la crise économique et la crise pétrolière éclatant, les peurs changent, le survivalisme évolue. Cette angoisse resurgira en France et aux USA en 2004 et en 2008. »

Quant au néosurvivalisme, il croît concomitamment à la « peur de la catastrophe écologique, estime Bertrand Vidal. Ces individus ont rompu avec la tradition nauséabonde, xénophobe du survivalisme originel. Tous les survivalistes ne sont pas d’extrême droite. Toutefois, comme certains individus sont apeurés, des gens comme Alain Soral, Piero San Giorgio – un leader d’extrême droite suisse survivaliste – essaient de fixer la peur en identifiant un ennemi. Chez Soral ou San Giorgio, c’est la finance, c’est l’étranger, etc. » Ce survivalisme traditionnel laisse peu à peu la place au néosurvivalisme. Et ce, parce que les peurs ont évolué. La crise environnementale devient la préoccupation principale, résume Bertrand Vidal : « Les néosurvivalistes quittent les villes mais pas pour aménager leur bunker, plutôt pour aménager ce qu’ils appellent leur base autonome durable, un petit lopin de terre qu’ils vont cultiver, où ils vont appliquer la permaculture, la biodynamie. Le tout en essayant d’avoir une identité à l’inverse du monde tel qu’il le voit, du consumérisme, de la société du tout jetable. » Le néosurvivalisme serait-il d’extrême gauche ? Pas vraiment, répond Bertrand Vidal : « Il y a un recyclage du mouvement de la décroissance, du colibri et autres. Mais à l’inverse de ces mouvements écologistes, les néosurvivalistes ne sont pas mûs par le même imaginaire. Quand un écologiste quitte la ville pour cultiver son jardin, il le fait pour rendre le monde meilleur. Pour les survivalistes, ce n’est pas pour rendre le monde meilleur, c’est parce qu’il y a une catastrophe qui plane et c’est donc le seul moyen pour s’en sortir. » Pour en savoir plus sur l’histoire du mouvement, Bertrand Vidal sortira, dans le courant de l’année 2018, un livre intitulé Les Survivalistes,aux éditions Archè.

 

« Ma pratique, ce n’est pas le survivalisme, c’est plutôt de la résilience, du retour aux sources », Laurence Talleux, spécialiste des plantes sauvages comestibles

Laurence Talleux est la présidente de l’association Echappées sauvages, basée dans le Lot-et-Garonne. Laurence Talleux organise depuis 2010 des sorties en forêt, avec un objectif : « Apprendre à être autonome. » Loin du stéréotype du survivaliste paranoïaque qui stocke des boîtes de conserve dans un bunker, Laurence Talleux estime que « s’il fallait accoler un mot à ma pratique, ce serait plutôt de la résilience ou du retour aux sources. »  Vivre avec « simplicité, comme le faisait nos grands-parents » , tout en se « préparant à un éventuel problème. » Et pour se prémunir d’un risque écologique ou économique, les bénévoles de l’association forment leurs adhérents aux méthodes de survie basiques. « On apprend à faire du bois pour le feu, à purifier l’eau et on fait une formation aux plantes sauvages comestibles, ses plantes que l’on connaît tous – le pissenlit, l’ortie, le plantain – mais que l’on n’utilise pas en tant que plantes alimentaires. »

Se préparer à une éventuelle catastrophe, c’est une prudence ancestrale selon Laurence Talleux : « Nos grands-parents, quand ils faisaient des conserves, c’était peut-être parce que l’année d’après, le jardin allait moins donner de légumes. Du coup, il fallait avoir à manger. » Ce retour aux sources promu par Laurence Talleux est une manière de « se reconnecter à la nature ». Selon elle, la chaîne de la connaissance s’est brisée. C’est ce dont témoignent les personnes accompagnées par Laurence : « Il y a le regret de ne pas avoir eu de transmission de nos parents ou grands-parents. En deux générations, le savoir s’est perdu parce que la vie citadine a pris le pas. Or, on connaît les mal-êtres qu’engendre le fait de vivre dans des milieux sur-urbains. » Ces maux de la ville, Laurence Talleux les a fuis. Elle qui a travaillé longtemps « dans des bureaux », se consacre désormais pleinement à la diffusion de son savoir naturaliste. « On fait partie de nature, on est lié à cette nature », conclut-elle. 

Source: Franceculture