Par La Rando

Vous travaillez de nuit à Dubai ?

Marie-Anne Gautier, médecin du travail à l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des maladies professionnelles et des accidents du travail) explique quels sont les méfaits du travail de nuit sur la santé…

Selon une étude de la Dares publiée jeudi, 15,4 % des salariés français travaillaient la nuit en 2012. Un travail qui «comporte davantage de facteurs de pénibilité physique et de contraintes de vigilance», selon la Dares.

20 minutes fait le point sur les risques pour la santé du travail nocturne avec Marie-Anne Gautier, médecin du travail et experte médicale chargée des horaires atypiques et du travail de nuit à l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des maladies professionnelles et des accidents du travail).

Quels sont les effets à court terme du travail de nuit sur la santé des salariés?

Tout d’abord, il y a peu d’effets néfastes pour ceux qui travaillent occasionnellement de nuit. En revanche, travailler régulièrement de nuit peut nuire à la santé. Ces salariés sont par exemple souvent sujets à des troubles du sommeil. En effet, le sommeil diurne est de moins bonne qualité que le sommeil nocturne, car il est morcelé et perturbé par la lumière. Ce qui conduit à une diminution du temps de sommeil hebdomadaire chez ces salariés. D’où des risques de somnolence accrus pour eux et donc d’accidents (par exemple de la route). Par ailleurs, ils se plaignent souvent de problèmes digestifs, qui peuvent être dus au moindre temps passé pour leurs repas ou encore à leur moins bonne qualité.

Et quels sont les effets à long terme?

De nombreuses études épidémiologiques montrent que le travail nocturne augmente chez certains sujets les risques de maladies cardiovasculaires, notamment en raison d’une mauvaise hygiène de vie. Car les personnes travaillant la nuit ont tendance à moins bien manger, donc à prendre du poids, à fumer davantage et à moins faire d’activité physique. Ce rythme serait aussi à l’origine de l’apparition de cancer du sein, de la prostate ou du colon. Enfin, il peut affecter certaines grossesses: retards de croissance du fœtus, augmentation des risques de fausses couches et de prématurité.

L’équilibre psychologique peut-il aussi être affecté?

Oui, car la fatigue qui se cumule peut engendrer une certaine anxiété, tout comme le fait d’avoir une moindre vie sociale. Certains supportent mal aussi d’être privés de la lumière du jour. Au final, cela peut entraîner dans certains cas des dépressions.

Quels sont les salariés les plus vulnérables face à ces risques?

Sans conteste ceux qui travaillent en horaires postés, c’est à dire ceux dont les horaires changent sans cesse et qui travaillent un coup le matin, un coup le soir. Leur organisme est tout le temps obligé de s’adapter, ce qui provoque une certaine usure.

Mais tous les salariés travaillant de nuit ne le vivent pas mal et choisissent quand même de travailler de nuit car cela présente certains avantages …

Ceux qui ont choisi de travailler à ces horaires et qui s’en retirent des bénéfices (salaire majoré, moindre stress de la part des supérieurs, possibilité de s’occuper des enfants la journée…) supportent bien mieux les contraintes.

Comment les entreprises peuvent-elles parvenir à concilier leur désir de rentabilité tout en préservant la santé de leurs salariés qui travaillent la nuit?

La loi oblige les entreprises à mettre en place les mesures nécessaires  pour protéger la santé de leurs salariés.  Avant la mise en place d’une organisation du travail avec des horaires de nuit, il leur est conseillé d’en mesurer les avantages et les inconvénients et de prévoir des dispositions qui minimisent les impacts négatifs sur la santé. Des discussions peuvent avoir lieu lors des Chsct (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) qui sont des instances qui représentent les salariés. A l’INRS, nous conseillons les organisations avec des  plannings les plus réguliers possibles, et en particulier une équipe de nuit permanente (des salariés qui travaillent toujours la nuit). Il est recommandé également d’organiser les rotations en sens horaire (matin, après midi, nuit), de repousser au maximum l’horaire de prise de poste du matin (à partir de 6 heures), et de privilégier les rotations intermédiaires (changement d’horaire tous les 2 à 5 jours). Une pause d’au moins 20 minutes pour permettre au salarié un moment de repos permet de prévenir la somnolence et un environnement lumineux avec de la lumière forte en début de nuit et moins vive au petit matin aide l’organisme à s’adapter à ce rythme. Enfin, il faut assurer un suivi médical régulier de ces salariés et s’assurer qu’ils tolèrent toujours bien ses horaires.

Propos recueillis par Delphine Bancaud
Source: 20minutes.fr