Syndicat national des guides de montagne (SNGM)

Le 23 novembre dernier le syndicat national des guides de montagne (SNGM) organisait les assises de la sécurité en montagne avec pour ambition « d’engager une transformation des pratiques professionnelles en matière de sécurité ». Bernard Guerin, guide de haute montagne résidant dans les P.-O., explique les enjeux et les difficultés d’une telle évolution à travers son riche parcours.
Bernard Guérin, 55 ans, est devenu aspirant guide à l’âge de 26 ans, pourtant rien ne prédestinait ce Nantais d’origine à cette profession qui est hélas aujourd’hui la plus dangereuse de France avec un taux de mortalité de 4,36 morts /1000 (données 2014 SNGM). Entre 2008 et 2017, 104 accidents mortels ont eu lieu dans les montagnes françaises (sur un total de 145 000 journées guide) quand, sur la même période, on en comptabilise… 20 (pour 130000 journées guide) en Suisse.

Bernard comment êtes-vous devenu guide?

A 13 ans j’ai découvert le ski et dans la foulée j’ai vu un reportage télévisé sur le PGHM de Chamonix, à partir de là je savais ce que je voulais faire. J’ai commencé par faire les saisons, l’été sur la côte et l’hiver à la montagne où je faisais du ski tous les jours. Ensuite j’ai voulu rentrer dans la police ou la gendarmerie afin d’intégrer les secours de montagne. Finalement ce sera la gendarmerie à 23 ans, 3 ans après j’étais aspirant guide. Après un quart de siècle passé au sein des différents pelotons de gendarmerie de haute montagne (PGHM) de Chamonix, d’Osséja, ou encore Bourg-Saint-Maurice, je me suis lancé et le métier de guide de haute montagne est devenu mon activité principale.

En tant qu’ancien secouriste vous êtes particulièrement bien placé pour parler de sécurité…

Ce que l’on peut dire c’est que pendant longtemps parler de ses erreurs était tabou, peut-être par peur d’être remis en cause. Pourtant il faut au contraire que cela serve, les retours d’expériences sont toujours intéressants. J’ai en tête un exemple qui illustre ceci : avant lorsqu’il y avait un accident, on évacuait les personnes valides avec leur sac sur le dos. Or nous nous sommes aperçu, moi le premier, que cela pouvait entraîner des problèmes. Un jour, je me suis retrouvé accroché au piolet de quelqu’un qui était hélitreuillé et sans un bon réflexe j’aurais pu me faire très mal.

Vous vivez d’ailleurs actuellement un moment délicat suite à une course dans les Alpes?

Effectivement j’ai emmené un client pour faire le Cervin (Ndlr : 4 478 mètres d’altitude, le 12ᵉ sommet le plus élevé des Alpes) début septembre, et j’en suis revenu avec les orteils gelés. Je n’étais pas bien équipé et mes prises de décision en fonction du temps, des risques et donc de mon équipement n’ont pas été bonnes. Heureusement mon client, lui, était bien équipé et en bonne forme physique. Même si l’on a de l’expérience on ne fait pas toujours la bonne analyse de la situation. Partager son expérience, ce n’est pas seulement relater ces erreurs, c’est aussi transmettre les moments où on a pris les bonnes décisions.

Le SNGM souhaite engager une transformation des pratiques, s’appuyant sur une année 2018 particulièrement dramatique pour la profession, qu’en pensez-vous?

Changer les choses, faire évoluer les pratiques, c’est compliqué. Lorsqu’un alpiniste connu se fait avoir, ça touche la communauté, on essaie de comprendre pourquoi, mais après… Chacun a ses spécificités, on peut être bon techniquement mais pas forcément dans la prise de risque. Ce qui est sûr, c’est qu’il ne faut pas que le SNGM veuille mettre en place des règles trop contraignantes.

Le syndicat national avait évoqué la création d’un ordre professionnel, à l’instar d’autres professions libérales, quel est votre avis?

Ce projet risquait d’être vécu par certains guides comme une contrainte et pas forcément écouté, quitte à sortir un peu du moule. Je pense que cela n’aurait pas été bien vu par tout le monde. Il existe déjà une commission de déontologie qui veille à l’application des règles internes.

Le métier de guide, on s’en rend compte est très dangereux, est-il lucratif?

Il faut savoir que moins de 10% des guides vivent de leur profession. La plupart ont d’autres métiers comme pisteur, moniteur de ski, gardien de refuge, charpentier…. Nous faisons ce métier avant tout par passion. Une passion que nous voulons partager en faisant plaisir aux autres.

Le plan d’action de la SNGM en 5 points

Les assises de la sécurité en montagne souhaitent fédérer les guides autour d’un plan d’action qui d’articule autour de 5 dimensions.
1- Produire une information et des connaissances pertinentes, réactives et utiles à la prise de décision (retour d’expérience, analyse statistique, partage des informations opérationnelles en temps réel, travailler avec des experts sur l’anticipation des situations critiques).
2- Bâtir les fondamentaux pour l’autorégulation de la profession (définition et diffusion de métarègles explicites et concrètes, renforcement et adaptation des usages locaux par massif, production et diffusion de messages d’alerte en cas de situation critique, construction et diffusion d’outils pratiques d’aide à la prise de décision, renforcement des prérogatives de la commission de déontologie, création d’un ordre professionnel.
3- Renforcer le parcours de formation des guides (de l’examen probatoire à la formation continue). Réflexions sur le volet économique et les ressources financières des guides (la dépendance économique n’est pas sans impact sur le rapport au risque et la sécurité).
4- Identifier et s’adapter aux nouveaux risques climatiques (réseau sentinelles, fiches pratiques, sensibilisation du public aux enjeux du réchauffement climatique.
5- Evaluer et améliorer la politique de gestion des risques.

Source: lindependant