Immobilier à Paris: tours jumelles fantômes de La Défense

Depuis quatre ans, un jeune promoteur russe sorti de nulle part bataille pour ériger, au cœur de La Défense, les deux gratte-ciel les plus hauts d’Europe. Il se dit proche du Kremlin, intrigue au sommet de l’État français, multiplie les procédures d’expropriation… Avant le début des travaux, Sylvie Santini a enquêté sur les coulisses de ce mystérieux projet à trois milliards d’euros. Cet article est paru dans le numéro d’octobre 2015 de Vanity Fair.

Emin Iskenderov adore parler de Napoléon. À l’entendre évoquer la vie et les conquêtes de l’empereur, certains de ses visiteurs le soupçonnent parfois de se prendre pour le vainqueur d’Austerlitz. Il en a au moins l’embonpoint et les ambitions, sans compter qu’il porte les cheveux longs à la manière de Bonaparte. Pour ce petit homme joufflu et volubile, la mère des batailles est un projet architectural qui doit le conduire au sommet – au propre et au figuré. Depuis bientôt six ans, contre vents et marées et sous les regards perplexes des concurrents et des contempteurs, ce promoteur moscovite s’acharne à bâtir aux portes de Paris, dans le quartier d’affaires de La Défense, les deux gratte-ciel les plus hauts d’Europe.

Dans le quartier d’affaires de la Défense, à côté de Paris, des locataires sont en guerre contre un groupe immobilier russe. Ce dernier veut démolir les 3 bâtiments d’une résidence pour construire des tours jumelles de luxe, juste sur les bords de Seine. Au total, une dizaine d’habitants refuse de bouger et retarde le projet.

Des tours jumelles de 320 mètres qui abriteront des logements et des bureaux, un hôtel cinq étoiles, des commerces, une salle de spectacle, des restaurants et un spa avec vue panoramique. Il a baptisé le projet Hermitage Plaza, du nom de la société immobilière qu’il dirige, filiale française d’un groupe russe  ; mais il ne manque jamais de signaler qu’à l’endroit où se dresseront un jour les deux tours, sur la commune de Courbevoie, se trouve aujourd’hui la place Napoléon Bonaparte.

Le 17 juin 2010, il n’a pas résisté à l’envie de raconter l’histoire à Vladimir Poutine lui-même. C’était durant la visite de l’exposition russe à Paris inaugurée par le maître du Kremlin avec le Premier ministre François Fillon. Sous les verrières du Grand Palais, le décor était constitué de paysages et de poupées russes géantes. Là, grisé par l’auditoire et la circonstance, le jeune promoteur a vanté les vertus de son projet comme un ouvrage exceptionnel, merveille d’architecture futuriste et symbole de la puissance russe. L’investissement atteindrait « deux milliards d’euros », la livraison de l’ensemble se ferait en 2015. C’est alors qu’il a mentionné l’empereur.

« En 1840, quand la dépouille de Napoléon a été ramenée en France, elle a été transportée par la Seine et débarquée là où est situé notre terrain, avant d’être transportée jusqu’aux Invalides. Aujourd’hui, à cet endroit, il y a une petite statue. Notre projet prévoit une grande place où nous érigerons un beau monument en son honneur. » Sur les images de la présentation, on voit Poutine opiner du chef sans desserrer les mâchoires – la manifestation de contentement la plus ostensible dont le dirigeant russe est capable en public.

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