Survie en haute montagne

Gaëlle a retrouvé hier le sauveteur qui l’a tirée d’affaire après cent heures d’angoisse à 4 000 m. Elle alerte sur les dangers de la montagne. Il y a quatre anspresque jour pour jour, ils se rencontraient pour la première fois. Samedi, la jeune femme et le gendarme alpiniste se sont retrouvés à Chamonix (Haute-Savoie), dans le confort d’une librairie, autour du livre de la première*, dédicacé, entre autres, au second.

Elle, c’est Gaëlle Cavalié, aujourd’hui étudiante à Marseille (Bouches-du-Rhône) en biotechnologie ; lui, c’est Jeff Mercier, grimpeur titré et gendarme des cimes.

La première fois qu’ils se sont vus, c’était le 18 mai 2013 à 3 857 m d’altitude. Elle faisait le sémaphore à la sortie du trou de neige où elle venait de passer quatre jours et quatre nuits à redouter la mort. Lui se trouvait au bout d’un filin, hélitreuillé depuis l’hélicoptère Ecureuil du Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) de Chamonix pour la secourir. Après plusieurs survols, quand le temps le permettait, pour tenter de la localiser dans une zone sans réseau téléphonique et où la neige recouvre toute trace…

Ce devait être une expédition éclair, pour grimper l’un des quelque 80 sommets de plus de 4 000 m des Alpes, dans le massif du Mont-Blanc : l’aiguille Verte, depuis sa face nord, par le couloir Couturier. Mille mètres de dénivelé en solitaire, quelques jours après avoir atteint ce sommet par sa face sud, en duo, sans encombre. La légende de la montagne Gaston Rébuffat décrivait ainsi ce sommet : «Avant la Verte, on est alpiniste. A la Verte on devient montagnard…» Gaëlle, 21 ans à l’époque, originaire de Saint-Gervais, au pied du Grand Blanc, a-t-elle voulu devenir un peu plus montagnarde en affrontant seule la Verte ?

«Je ne m’attendais pas à trouver de la glace aussi mauvaise»

Aujourd’hui, elle en tire quelques leçons : «Il ne faut pas se surestimer. Je me suis crue capable de le faire… Je ne m’attendais pas à trouver de la glace aussi mauvaise, qui éclate sous les crampons, sur laquelle les prises sont fragiles. »

 

Et si c’était à refaire ? «Déjà, j’aurais pris une corde, qui permettait de poser un rappel, et de redescendre… J’aurais pris plus d’eau, plus de sommeil dans les jours à attendre une fenêtre météo.» A la sortie de plusieurs semaines d’hôpital où l’on a tenté en vain de sauver ses orteils, qui ont dû être amputés, elle retient des gendarmes du PGHM quelques conseils utiles : «Ils ont été pédagogues, sans jugement. La première chose que Jeff m’a dite, c’est qu’il avait fait des conneries lui aussi, quand il était plus jeune… Quand je me suis retrouvée coincée, j’aurais dû jeter mes skis, mon sac dans la pente, pour que des gens plus bas me localisent. Ils préconisent aussi de ne pas partir seul… Au début, je voulais écrire pour évacuer, mais aussi pour des jeunes qui voudraient se lancer…» A l’approche de la saison prisée pour les ascensions dans le massif et alors que chaque année les accidents se multiplient, le témoignage incite à la vigilance, à la préparation et au sérieux.

 

Gaëlle repasse parfois dans les environs, prend un café avec Jeff, «d’abord mon sauveur, devenu un ami», et regarde la montagne avec méfiance. «Je me suis vue mourir, et pendant longtemps je m’en suis voulu d’avoir fait vivre ça à mes proches. J’ai repris l’escalade, mais je n’ai plus envie de prendre autant de risques. Un peu d’alpinisme, mais des trucs tranquilles. L’adrénaline, ça ne me dit plus trop.»

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* « Cent Heures de solitude », de Gaëlle Cavalié, Editions Guérin-Paulsen, 12 €.

  Le Parisien