Interview de l’alpiniste Jean-Luc Brémond

La Rando a eu le privilège d’interviewer l’alpiniste Jean-Luc Brémond, membre de la team Explore. Agé de 48 ans, né à Gap dans les hautes Alpes, marié et père de deux enfants est accompagnateur en montagne, apiculteur et employé de la ville de Gap en tant qu’agent de Maîtrise principal. Nous en avons profité pour lui poser des questions concernant sa course des 7 sommets de la planète.

La Rando: Depuis quand faites-vous de la haute-montagne?
Jean-Luc Brémond: Je pratique la haute montagne depuis plus de 25 ans en France comme à l’étranger et surtout dans les Hautes Alpes. je pratique l’alpinisme, la cascade de glace, le ski alpinisme, l’escalade, la randonnée et le canyoning.

Sommet de l’Aconcagua en 2009

La Rando: Qu’est ce qui te plaît dans la haute montagne?
Jean-Luc Brémond: Le fait d’être libre, d’arriver à maîtriser et gérer mon stress ainsi que le vide, le dépassement de soi, évoluer dans un milieu qui n’a pas été aseptisé par l’homme et qui le remet à sa place. Je trouve également très intéressant de pouvoir prendre des décisions sans dépendre des autres. J’aime évoluer en autonomie avec les années d’expérience et me servir dans une montagne inconnue, en expédition par exemple, de tout ce que j’ai appris au fil des années dans les Alpes Françaises. C’est ce qui dans certains cas peut te permettre de réussir le sommet.

Sommet de l’Everest 8848m en Mai 2011

La Rando: Pourquoi se lancer sur les 7 sommets de cette planète? Essayez-vous de faire passer un message avec ce challenge?
Jean-Luc Brémond: Pour moi les 7 sommets est un beau challenge même si beaucoup plus humble que les 14 « 8000 » réservé à une élite. Avec les seven summits tu peux découvrir 7 massifs montagneux de part le monde, tous différents, tous intéressants, 7 visions différentes des horizons lointains. A part l’Antarctique où personne ne vit, tu découvres 6 ethnies différents et apprends à connaître d’autres modes de vie, d’autres coutumes, c’est une ouverture d’esprit sur les autres. De plus, beaucoup de personnes dans le monde s’attaquent à ce challenge et ça m’est arrivé de retrouver des gens que j’avais croisé auparavant sur un autre sommet (j’ai retrouvé au Mckinley un Andorien Domingo que j’avais croisé au pied de l’Everest). Il s’est lui aussi inscrit dans cette aventure. Cela peut créer des liens.
Le message que j’aimerais faire passer c’est qu’avec les années, et c’est mon cas, même les gens moyens peuvent arriver à faire de belles et grandes choses avec de la volonté et de la persévérance. Même après 40 ans on peut encore nourrir des ambitions, relever des défis et se réaliser pleinement dans des aventures sportives.
j’essaie également de faire passer un message en tant qu’apiculteur concernant la protection de l’abeille dans le monde, c’est un coup de gueule pour une prise de conscience… mais je ne suis pas certain que cela intéresse beaucoup de monde, car qui est conscient de l’importance des abeilles pour la survie de la planète??? si je réussis les 7 sommets, mon président du syndicat société l’apiculture alpine dans le 05 sera très heureux (le saviez-vous sir Edmund  HILLARY premier vainqueur de l’Everest était lui aussi apiculteur… mais en Nouvelle Zélande).

Sommet du McKinley en Alaska (mai 2012)

La Rando: Qu’emmènes-tu en expédition pour te motiver ? livres? musiques?
Jean-Luc Brémond: Pour me motiver, en plus des livres et de la musique (j’avais emmené ces deux dernières expéditions un Ipod avec 100 musiques), j’emmène également avec moi de la colère par exemple quand mes amis ont des soucis, sont malades… et je me sers de cette colère pour avancer, je la transforme en énergie. et quand je suis exténué, que j’ai envie de faire demi-tour je pense à mes amis ou à ma famille et cela me remotive et me donne la force de continuer. Pour mes amis alpinistes qui ne sont plus là je leur demande spirituellement de me donner leur force. J’emmène également toujours avec moi des saucissons et talons de jambon offerts par un ami boucher, le soir quand je suis transis de froid ou épuisé ou nostalgique cette nourriture m’aide et me rappelle la France.

 

Sommet du Kilimanjaro en septembre 2012

 

La Rando: Quelle sensation as-tu eu une fois au sommet de l’Everest ?
Jean-Luc Brémond: J’ai gravi ce sommet côté Tibétain par l’arête Nord, de nuit, c’était très spécial une nuit de pleine lune auréolée de milliers d’étoiles. C’était magique mais j’étais conscient que je m’engageais sur un chemin potentiellement sans retour. Malgré tout, j’avais envie de voir  et j’étais prêt à sacrifier des orteils pour y arriver, si c’était le prix à payer !!! Je sais que mon parcours sportif m’a aidé pour arriver au sommet car le problème de cette montagne c’est le nombre de personnes qui veulent arriver au sommet… pour les doubler (car certains n’avancent pas du tout) tu prends énormément de risques car tu dois te détacher… et dessous il y a 2500m de vide… pour la redescente c’est encore pire avec l’épuisement physique, le froid et la distance à redescendre. Les tibétains considèrent que le véritable sommet est atteint quand tu reviens vivant à 6400m…
c’est sûr qu’une fois le sommet atteint, je me suis rappelé mes premiers pas en haute montagne, mon enfance et je me suis dit que c’était un beau parcours.


La Rando: Quand tu auras fini ce challenge des 7 sommets, quels seront tes prochains projets ?
Jean-Luc Brémond: Je pense sincèrement être en mesure d’en finir 6 car les plus difficiles sont faits et ce n’est plus un problème technique ou physiologique. Par contre, le dernier le Vinson en Antarctique risque de me poser problème en raison du coût très élevé de cette expédition, un des sommets les plus chers de la planète qui représente une logistique énorme. C’est pour cela que je cherche de nouveaux partenaires au niveau national.
Après les seven summits j’aimerais tenter d’autres 8000 et mettre en application ce que j’ai appris ces dernières années, à savoir prendre le temps d’être acclimaté.