A 70 ans, il veut gravir l’Everest

Après avoir stoppé sa carrière professionnelle en 1999, l’alpiniste Marc Batard, 65 ans, a décidé de se lancer dans une belle aventure : gravir le sommet de 8.848 mètres en 2022 pour son 70e anniversaire. Le « sprinter des cimes », qui a signé en 1988 la première ascension de l’Everest en solitaire et sans oxygène en moins de 24 heures, se confie sur ses motivations, sa préparation.

Je veux souffler mes 70 bougies sur le toit du monde en 2022. Oui, gravir les 8.848 mètres de l’Everest sans aide respiratoire parce que, comme le disait Eric Escoffier, une telle course avec des bouteilles d’oxygène, c’est prendre le départ du Tour de France avec une mobylette !

L’idée m’est venue il y a environ un an. Mon mariage avec Lindenilson Marques, un jeune Brésilien très sportif, m’a poussé vers ce défi. J’ai eu l’idée de le motiver afin qu’il vienne avec moi jusqu’à l’Everest à l’occasion de cet anniversaire. C’est aussi un très bel exemple pour les jeunes et les moins jeunes ainsi qu’une bonne raison de me maintenir en forme. Même si mes trois enfants, qui m’ont donné sept petits-enfants, sont un peu inquiets ! À 93 ans, mon père, lui, est plutôt fier. Comme il l’est de tous les siens !

L’ascension se fera dans la deuxième quinzaine de mai

Je sais, ça paraît fou. Lorsqu’il a découvert mon projet, mon grand ami et footballeur Emmanuel Petit, que je voyais déjà comme parrain de mon aventure pour le sponsoring, m’a répondu :

« Tu es complètement fou ! Moi, je ne cautionne pas ça. Tu peux aller te tuer tout seul à l’Everest, mais moi, je ne veux pas que tu emmènes ton copain là-haut ! »

Mon envie pour ce projet est restée intacte, mais il a changé. Lindenilson m’accompagnera peut-être dans des ascensions, mais pas jusqu’au sommet du monde. Quant à moi, je sais déjà à quelle période de l’année 2022 je pourrai attaquer l’Everest. Il y a des statistiques sur le plan météo : l’ascension se fera dans la deuxième quinzaine du mois de mai.

 

Marc Batard a modifié son projet mais pas son objectif principal (DR). 

 Une escalade avec deux grands jeunes alpinistes

Je la réaliserai avec deux grands noms de la montagne qui sont plus jeunes que moi. Il y aura d’abord le sherpa Pasang Naru. A 43 ans, il a déjà gravi huit fois l’Everest. Et puis, le Franco-Tunisien Tahar Manaï qui lui a 28 ans. Ce pompier professionnel lyonnais est le premier de ses collègues, mais aussi le premier Tunisien, à avoir vaincu le sommet en 2016. L’un d’eux sera certainement premier de cordée, même si on adoptera un mode d’escalade en « réversible » qui permet aux alpinistes de changer de rôle en progressant sur la voie.

D’où l’absolue nécessité de nous découvrir en situation, puisque nous n’avons jamais réalisé d’ascension ensemble. Pour nous jauger mutuellement. Ce qui est important, c’est qu’ils ont certes fait l’Everest, mais avec des bouteilles d’oxygène alors qu’ils sont très probablement aptes à s’en passer.

En effet, là-haut, il faut savoir qu’il ne reste plus que 20 à 21% d’oxygène dans l’atmosphère.

L’alpiniste sur l’Everest lors d’une précédente ascension. (DR)

J’ai arrêté l’alpinisme professionnel il y a 18 ans pour m’adonner à ma passion née dans mon adolescence, la peinture, mais aussi pour écrire des livres, dont « La sortie des cimes », où j’explique pourquoi j’ai tant couru les sommets un peu partout : c’était aussi ma « sortie du placard » puisque j’y ai fait mon coming out.

Quatre ou cinq jours pour parvenir à ce que j’ai fait en moins de 24h en 1988

Une période durant laquelle j’ai quand même repris pied sur la montagne. Il y a cinq ou six ans, notamment, j’ai retenté l’Everest avec des amis qui m’avaient invité. J’avais envie de refaire une ascension rapide et j’ai stoppé à 7.800 m. Je n’étais pas prêt à souffrir autant que mes précédentes ascensions rapides. En 2022, avec mes deux compagnons, nous mettrons quatre ou cinq jours pour parvenir à ce que j’ai fait en moins de 24h en 1988.

Voilà pour le passé. Quant à l’avenir, en août-septembre, on grimpera une falaise de 400- 450 mètres dans la face est du Gerbier, dans le Vercors. Toujours pour maintenir la forme et aussi tester mes deux compagnons d’aventure dans des manœuvres de cordes sur la paroi hyper verticale, avec des passages surplombants. Symbolique, puisque c’est là, sur la « voie de la Fissure en arc de cercle », qu’est décédé Lionel Terray avec son compagnon guide de Chamonix Marc Martinéti, en septembre 1965. Un alpiniste que j’admire beaucoup.

Ensuite, nous avons au programme d’escalade une grande course sur le Mont Blanc ou peut-être la face nord de l’Eiger, à 3.970 mètres, dans l’Oberland bernois, en Suisse. L’année prochaine, on va attaquer la face sud de l’Aconcagua, sur une paroi du plus haut sommet des deux Amériques (6.962 mètres). Il nous faudra quatre ou cinq jours après s’être acclimaté.

En 2019, on ira jusqu’à la Nande Devi, un sommet de 7.816 mètres en Inde. L’Annapurna, au Népal, en 2020 et le Makalu, à la frontière tibéto-népalaise en 2021, seront les dernières étapes de cette progression, avant de rejoindre enfin le sommet de l’Everest en 2022 où, du haut de mes 70 ans, je vais sans doute pouvoir poser mes pieds. Ce sera la troisième fois.

Pas un sac à patate que l’on emmène sur le toit du monde

Certes, le Népalais Min Bahadur Sherchan va retenter le même sommet himalayien à 85 ans. Mais là, ça n’a pas vraiment de sens : avec des bouteilles d’oxygène, des gens qui vous tirent et vous poussent, vous ressemblez à un sac de patates que l’on emmène sur le toit du monde !

 

Min Bahadur Sherchan, doyen des champions de l’Everest… mais avec l’aide, notamment, d’oxygène. (Binod Joshi/AP/SIPA)

Si je suis contre cette surenchère, j’admets que moi aussi, je veux battre un record. Pourtant, j’assume ma contradiction. Par exemple, Jacques Séguéla est passionné par ce que je fais, et même si la réciproque n’est pas vraie, j’apprécie l’homme. Son premier réflexe de publiciste a été :

« Est-ce que c’est un record du monde ? »

Alors, oui, c’en est un. Officiellement, le plus âgé qui a gravi jusqu’alors l’Everest sans assistance respiratoire est Abele Blanc. C’était en 2010 et cet Italien avait alors 55 ans. Moi, je veux mettre toutes les chances de mon côté pour y parvenir avec 15 printemps de plus. J’ai toujours eu une hygiène de vie correcte, mais depuis un an, je fais beaucoup plus attention à mon alimentation et je souhaite perdre encore 4 ou 5 kilos… même si je pèse actuellement 67 kilos pour 1,68m. Ce n’est pas lourd, mais on va éviter les suppléments de bagages pour ce merveilleux voyage !

Source: nouvelobs.com